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Aube radicale en Grèce

Photo: Clairy Moustafellou/MWN

Engoue­ment pour les partis radicaux, colère contre les élites corrompues, attaques contre les immigrants. En Grèce, la crise a provoqué une terrible fureur politique qui a permis aux radicaux d’occuper le devant de la scène.

Ces jours-ci, le pasteur Jimoh Adebayo ne consacre pas son temps à prêcher, mais à fournir à ses fidèles de la nourriture, des vêtements et un toit. «Ici en Grèce, il y a une peur viscérale parmi les immigrants, explique-t-il. Ces derniers viennent vers nous pour trouver de l’aide, mais nous n’avons pas assez de ressources. C’est une situation très, très triste.»

Les immigrants ont également une autre préoccupation : la radicalisation politique. Depuis 2009, la proportion de Grecs ayant des opinions radicales est passée de 17 % à 33 %. Au cours des récentes législatives, le parti d’extrême droite Aube dorée a remporté 7 % des votes, lui qui n’en récoltait que 0,2 % il y a trois ans, et la coalition d’extrême gauche Syriza en a obtenu 17 %.

Quand Jimoh Adebayo, pasteur d’une église pentecôtiste d’Athènes comptant parmi ses fidèles de nombreux immigrants, a quitté le Nigéria pour s’installer en Grèce il y a 30 ans, la situation était fort différente : «La Grèce était un océan de stabilité. C’est pour cela que j’ai obtenu mes deux diplômes universitaires ici. Mais les choses ont dramatiquement changé depuis 10 ans. Les politiciens sont incompétents, et il y a tellement de corruption et de bureaucratie!»

En effet, les élites politiques du pays ont très mal gouverné le pays. «Ces gens-là ont eu recours à des emprunts extérieurs pour financer les régimes d’assistance sociale et d’immenses travaux publics comme ceux réalisés pour les Jeux olympiques et les nouvelles autoroutes, détaille Sokratis Koniordos, professeur de sociologie à l’Université de Crète. Sous leur gouverne, l’économie a connu cinq années consécutives de récession, et ils ont protégé un secteur public aussi vaste qu’inefficace pour accommoder leur clientèle politique.»

Pourtant, les Grecs mon­trent autant du doigt les immigrants que les politiciens incompétents pour expliquer leurs malheurs. À Plateia Amerikis, un quartier du centre-ville d’Athènes où vivent de nombreux immigrants, des cas répétés d’agression contre ces derniers ont été rapportés. «Les gens facilement identifiables comme étant des immigrants ont peur de sortir, et plusieurs des personnes agressées ont déclaré que la police se montrait peu encline à enquêter», rapporte le pasteur Jimoh.

La radicalisation, en particulier vers l’extrême droite, est d’autant plus surprenante que le pays a beaucoup souffert sous l’occupation nazie et que de nombreux Grecs ont mené un combat héroïque contre le régime hitlérien. Le parti Aube dorée soutient toutefois qu’il n’a rien à voir avec le nazisme et se définit plutôt comme nationaliste. «Tout appui aux partis radicaux est un vote de protestation, pas l’expression d’une radicalisation, soutient Ileana von Hirsch, une femme d’affaires anglo-grecque qui dirige une entreprise de voyage. Personne – ni les radicaux, ni les autres – n’a de stratégie. Malheureusement, la démagogie est la réaction que bien des Grecs ont spontanément face aux problèmes.»

Certains des fidèles du pasteur Jimoh sont retournés dans leur pays d’origine, mais les autres, sachant que les conditions de vie dans le leur sont encore plus déplorables, sont restés en Grèce. «Si je n’avais pas une église à diriger, je serais moi aussi parti, avoue-t-il. Mais en tant que pasteur, je me dois d’être là où Dieu me demande d’être. Et puis, il y a des Grecs partout dans le monde; alors, pourquoi ne pourrais-je pas vivre ici?»

Les Grecs voteront-ils pour les communistes?

En Grèce aujourd’hui, si vous êtes jeune et progressiste, vous votez pour l’extrême gauche. Au cours des élections législatives de mai dernier, Syriza – acronyme signifiant «coalition des gauches radicales» – s’est imposé comme le deuxième parti du pays en récoltant 17 % des voix.

«La zone euro et l’Union européenne sont essentielles pour la Grèce, affirme Ioannis Belegrinis, un jeune homme d’affaires qui a voté pour Syriza. Mais il faut qu’il y ait des limites. Il y a trois millions de chômeurs dans le pays, dont la plupart sont des jeunes. Comment voulez-vous que les gens croient que tout cela se produit pour “améliorer la compétitivité de la Grèce”».

Le chef de Syriza, Alexis Tsipras, est âgé de 37 ans et est un communiste de longue date. Il pourrait bientôt devenir le premier ministre de la Grèce. Aux prochaines législatives, qui auront lieu le 17 juin, on s’attend à ce que Syriza et le parti néo-nazi Aube dorée fassent encore mieux qu’aux dernières élections.

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